La miniature,

une histoire de famille

Mon père et mon grand-père avaient quelques loisirs. Comme l’a offert notre société depuis les Trente Glorieuses, les loisirs consuméristes ont fait leur apparition. Parmi ceux-ci, s’est démocratisé à partir des années 1960 le maquettisme.

Pour commencer, quelle est la différence entre le maquettisme et le modélisme ? C’est simple le premier est statique et le second mobile.

Je commencerais par le travail de mon père, car c’est celui dont j’ai le plus de souvenirs.

Je n’ai pas eu l’occasion de parler avec lui de sa passion, en tout cas pas à un âge où l’on se souvient des réponses à nos questions. Ce dont je suis sûr c’est de cette longue et large planche qu’il avait posé sur la table à manger. Et de cette grande cantine en métal de 80 ou 100 litres qu’il amenait à côté. Puis à l’ouverture, des contenants pleins de tiges, de pièces en balsa, de tissu et de fils électriques.

Ensuite, c’était les casiers fermés par des couvercles transparents, bondés de personnages colorés et en “mouvement”. Des passants, des gendarmes, des pompiers, des policiers, mais surtout des animaux et leurs soigneurs, des ouvriers pour monter le chapiteau, des ouvreurs, des spectateurs, des artistes, des funambules, des musiciens, des clowns et un Monsieur Loyal.

En dessous, c’était compartimenté et étagé, afin de stocker et de protéger une bonne centaine de camions, de remorques, de voitures, de caravanes et de grues. Peints de rouges et de bleus, ils portaient tous, du moins autant que le temps avait permis à mon père de le faire, le logo du Chipperfields Circus. La moitié étaient des éditions spéciales à l’image de ce célèbre cirque anglais, et l’autre moitié étaient des miniatures modifiées, repeintes et marquées par des transferts. Les échelles variaient aussi entre le 1/43e et le 1/56e.

D’après les quelques photos que j’ai pu glaner et garder, il avait fait créer un chapiteau entier durant son adolescence. La toile était rouge et une petite planche suffisait. Au milieu des années 1970, la place nécessaire devait être plus large. Il y avait plus de camions, plus de miniatures, plus d’éléments et le chapiteau à la toile bleue à liseré jaune s’étalait davantage.

Et puis au début des années 1980, le trésor paternel fut ressorti et j’ai pu voir ce plateau préparé, avec ses routes, ses trottoirs et ses lampadaires. Les premiers personnages urbains se baladaient et des véhicules civils circulaient. Puis le train roulant du cirque arrivait, se parquait sur le parking municipal, et la ménagerie se montrait aux passants.

Les premiers ouvriers se plaçaient et les mâts du chapiteau étaient dressés à la grue mobile. Il fallait ensuite retoucher au scalpel et au pinceau certains éléments, vérifier la stabilité des gradins, puis alimenter les petits spots avec le concentrateur électrique, véritable domino miniature encastré dans un camion, et alimenté par une pile de 9 volts.

Soudain il fallait tout retirer autour des mâts, car la large toile bleu marine, nouvelle couverture faîte avec l’aide de ma mère, arrivait sur des semi-remorques, était déchargée et habillait le “sol”. Puis il fallait la lever, la tendre et la fixer. Enfin il fallait rallumer les spots, remettre les gradins, installer le public et prendre quelques photos avec les artistes.

Alors forcément, à travers les yeux d’un gamin de 6 ans puis de dix ans, on est émerveillé, on veut en voir plus, en toucher plus, et jouer aussi. Bon, il faut quand même avouer que les jouets d’un adulte seront toujours un trésor pour cet adulte, mais restent des jouets pour ses enfants. Alors oui, nous ne pouvions pas y jouer. Toutefois, il nous arrivait d’y toucher en sa présence et sur son invitation… ou sans l’une ni l’autre. Ah bah oui, un truc pareil ça ne se monte pas en cinq minutes et peut être rangé aussi sec. C’était des jours entiers dans le salon, sous nos yeux, sous nos mains.

Mon grand-père avait quant à lui aménagé le sous-sol de son petit pavillon de banlieue. Trois larges planches longeaient les murs. Je ne les ai connues que recouvertes de tous les éléments. Le réseau ferroviaire semblait infini et multiple. Des bâtiments avec parcimonie, un ou deux tunnels et des miniatures partout. Des voitures, des camions, des figurines, de l’éclairage urbain, des arbres, de la verdure, des fleurs. Le tout était à l’échelle HO (1/67e).

Et bien sûr les locomotives et les wagons. C’était l’animation principale. Ça roulait, ça “taquetait”, ça fumait parfois. Et d’autres encore attendaient sur une étagère. Il y avait cette grosse boîte verte en métal, avec son potentiomètre pour donner du jus au rail, de la vie à tout cet univers. Il suffisait de le tourner pour faire vibrer une locomotive, rouler quelques wagons, fuser un train entier.

De tout cela, il ne reste plus que des souvenirs et quelques photos.

De mon côté, j’ai commencé avec un petit kit Heller en 1986, facile à monter, rien à peindre et quelques autocollants. Puis à la fin de mon adolescence, j’ai assemblé et peint à l’Enamel quelques avions, hélicoptères, voitures et camions. Aujourd’hui, je peins de la figurine et je m’essaie à fabriquer du mobilier en balsa pour quelques jeux d’aventures.

Mais jamais je n’oserais me comparer à leurs travaux et leurs minuties. Une belle époque, des vies plus simples, d’autres moeurs peut-être. Nouvelle génération, une vie plus singulière, d’autres moyens sûrement.

À plus.

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